C'est un beau jour d'automne. Eli, sur le chemin de l'école, réussit à convaincre un couple de punks de poser devant son objectif. Nates rejoint sa petite amie Carrie pour déjeuner après son entraînement de football. John laisse volontairement les clés de la voiture de son père dans une salle de classe afin que son frère puisse passer les chercher. A la cafétéria, Brittany, Jordan et Nicole critiquent et se plaignent de leurs mères qui se mêlent de leur vie privée. Michelle se précipite vers la bibliothèque tandis qu'Eli prend des photos de John dans le couloir. John sort se promener avec Alex et Eric. Un jour d'école ordinaire. Seulement, ce n'est pas le cas.Réalisé par
Gus Van Sant Avec
Alex Frost,
Eric Deulen,
Jordan Taylor,
Carrie Finklea...
Nonobstant ses deux récompenses, pour le moins prestigieuses, glanées au Festival de Cannes en 2003 (Palme de d'Or et Grand Prix de la Réalisation),
Elephant ne m'intrigua pas le moins du monde pendant une période plutôt conséquente, notamment en raison de son réalisateur dont le remake plan par plan et en couleur de ce classique d'A.Hitchcock, le dénommé
Psycho, m'avait laissé un goûr relativement amer.
Heureusement pour moi, j'ai eu l'immense plaisir (et surprise) de visionner, il y a quelques mois, le second long métrage de Gus Van Sant (
Drugstore Cowboy, narrant les péripéties d'une bande de junkies), dont la qualité de la réalisation et la justesse de l'interprétation m'avaient subjugué. Fort de cette expérience (et de celle de
Will Hunting), je me suis alors décidé à découvrir le film chroniqué ici...
Tout comme le documentaire (pamphlet) de M.Moore,
Bowling for Columbine (lui aussi présenté au Festival de Cannes, mais en 2002), cette oeuvre s'inspire des tragiques évènements ayant frappés le lycée de Columbine (fusillade qui engendra la mort de 13 lycéens) en 1999.
Cependant, et c'est là un des mérites de ce métrage, le film ne prend pas le parti de remettre en cause le droit de posséder des armes à feu (deuxième amendement de la Constitution des USA), en plongeant dans l'horreur des armes et son industrie, préférant soulever l'absurdité de la violence en elle même...
L'histoire prend place dans les minutes précédant la tragédie, intervenue au cours d'une journée en apparence ordinaire, mais qui inéluctablement voit se concrétiser ces dramatiques évènements.
Par la multiplication des points de vue, le réalisateur nous dresse un portrait réaliste d'une jeunesse sensible, écorchée. Bien que parsemant le film d'explications plausibles quant aux raisons de cette fusillade (violence à travers le cinéma, les jeux vidéos, néo nazisme, marginalisation et ressenti d'exclusion, notamment), le réalisateur prend le parti de ne pas juger les principaux protagonistes de ce drame, préférant nous laisser forger notre propre opinion sur le sujet.
Par un montage particulièrement habile, nous narrant ces évènements par le regard de diverses personnes, le temps semble s'étirer à l'infini, comme suspendu, en hésitant pas le moins du monde à nous dépeindre une même scène, mais selon des points de vue différents. Ce qui renforce par ailleurs l'impression que l'implacable destin s'apprête à frapper, une fois de plus...
Cette sensation prégnante d'une prorogation du temps est de plus accentué, par la réalisation tout simplement envoutante, composée de longs travelings (circulaires, avants, transversals, d'accompagnement, de sortie de champ...and cie), de plans séquences travaillés et étonnants. Gus Van Sant, fait en effet mine de intense maîtrise de ces effets de caméra, et leur utilisation est particulièrement judicieuse, donnant un perpétuel sentiment de flottement, le spectateur glissant entre les protagonistes, arpentant les longs couloirs du lycée. Qui plus est, la musique de Beethoven (La Lettre à Elise, Sonate au Clair de Lune) nous berce continuellement (douceur et tristesse), et leur écoute a postériori ne peut laisser insensible, tant nous avons en mémoire les visages des protagonistes...
Lorsque l'instant tant redouté arrive, la violence se fait discrète, le réalisateur préférant le réalisme, la suggestion, à un déferlement de violence pour le moins inutile. La tension est des plus palpable, allant crescendo, jusqu'à la dernière scène, de ce long métrage un tantinet (et même lourdement) avare en dialogues, relativement court (environ une heure et vingt minutes), et à l'interprétation sans faille (les acteurs sont stupéfiants de naturel, même en observant l'un d'eux, je ne pouvais m'empêcher de penser à...Brice de Nice: longue chevelure blonde, tee shirt jaune...argh).
Vous l'aurez compris, voici un film surprenant, fascinant, boulversant, à voir absolument, pour toute personne montrant un brin d'intérêt à l'égard du 7ème Art, et qui vous marquera, j'en suis sûr...